Marie Nimier

La Reine du silence

La Reine du silence

Année de sortie: 2004

Éditeur: Gallimard

Prix Médicis 2004
La Reine du Silence a fait l'objet d'une lecture musicale avec Sonia Wieder Atherton (Festival d'Avignon, 18 juillet 2004) retransmise en direct sur France culture.

4ème de couverture

Mon père a trouvé la mort un vendredi soir. Son Aston Martin s'est écrasée contre le parapet d'un pont. La jeune femme assise à ses côtés était d'une beauté peu commune.
Il n'y a rien à raconter, n'est-ce pas, rien à dire de cette relation. Je n'étais pas dans la voiture. J'avais 5 ans.
De mon père, il me reste peu de souvenirs, et quelques trésors : une montre qui sonne les heures, un stylo dont la plume penche à droite et cette carte postale, où il me demandait en lettres capitales : QUE DIT LA REINE DU SILENCE ?
Cette phrase posait une énigme impossible à résoudre pour la petite fille que j'étais, énigme cruelle et envoûtante qui résume toute la difficulté du métier d'enfant. Énigme qui, à l'époque, se formulait ainsi :
Que pourrait bien dire la Reine du silence sans y perdre son titre, et l'affection de papa ?
Ou encore: comment, à la fois, parler, et ne pas parler ?
J'étais coincée. Prise au piège de l'intelligence paternelle.

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Documents

Extraits de presse

Son neuvième roman, la Reine du silence, vient d'être couronné du prix Médicis. Un beau roman sur l'identité, les mues, la transmission. «La reine du silence», c'est elle, enfant, selon le surnom que lui donnait son père. «Tête ou langue coupées ? J'avais le choix.» Elle y raconte qu'elle a gardé une carte postale, unique trace écrite de l'affection de son père. Au dos, en lettres capitales, une question : «Que dit la reine du silence ?» La petite fille est restée interdite face à l'injonction de s'exprimer en se taisant. Depuis, Marie Nimier pense l'écriture comme un remède au paradoxe, manière de parler silencieusement, sans faire de vagues. Mais la personne qui s'est tue, définitivement, et qui avait cessé d'écrire, c'est Roger Nimier, mort dans un accident de voiture lorsqu'elle avait 5 ans. «Tuer et se taire, deux verbes tellement ressemblants...»

(...) Marie Nimier est joyeuse et ses yeux se troublent souvent. Elle est la preuve qu'on peut être très gaie et très triste à la fois, vivante avec longtemps le souci de mourir.

Anne Diatkine, Libération, en octobre 2004.

C'est un écrivain original, tout à la fois facétieux et grave, débordant d'imagination, de drôlerie et de grâce que viennent de couronner les jurés du Médicis. (...) « A écouter Marie on éprouve l‚impression de recueillir la confession du voyageur d‚un train qui, ayant besoin de soulager son coeur, vous prend pour confident parce qu'il sait qu'il ne vous reverra plus jamais », écrivait Angelo Rinaldi à la sortie du livre (Le Figaro littéraire du 19 août). Et il ajoutait : « Chacun aimera monter dans le wagon où ses yeux bleus, sa voix tour à tour mélancolique, rieuse et âpre, la signalent. »...

 

 

Bruno Corti, Le Figaro, en octobre 2004.

Il aura fallu que Marie Nimier écrive huit romans pour affronter enfin l'image paternelle. D'autres, moins honnêtes, plus racoleurs, auraient commencé par là, cherchant à séduire ou à émouvoir des lecteurs sensibles à son histoire d'orpheline. (...) Pour Marie Nimier, cette quête du père en littérature ne pouvait être un commencement. Sans doute lui fallait-il dominer l'écriture, dominer aussi sa peur de la confrontation, cette douleur certaine qui accompagne le voyage dans le passé familial, les souvenirs d'autrui, les archives, les potins et les images d'Epinal.

Comment atteindre l'inconnu qu'est ce père ? Comment gommer cette image de lui qu'il a soigneusement retouchée, cachant sous le sarcasme et la provocation ses désarrois, sa peur de ne plus écrire, ses faiblesses de désespéré ? « Comment ça marche, un père ? » s'interroge Marie Nimier.

Sans complaisance, avec cette justesse et cette franchise qui sont une de ses qualités majeures, la romancière va jusqu'au bout de sa quête. Non, son père n'aurait pas pu être un copain, trop de divergences politiques ou éthiques entre eux. Non, ses choix de vie ne s'accorderaient pas aux siens. Mais est-ce le principal entre un père et sa fille ? Et si pouvoir enfin le sentir près de soi, sans masque, mettait un terme à toute cette attente ? Le reconnaître dans sa vie d'homme pour s'accepter, elle, dans celle de femme et d'écrivain. Marie Nimier trouve le langage qui apprivoise les fantômes. Au terme de ce voyage, peut-être atteint-elle une sorte de sérénité : « Et pour la première fois depuis longtemps, je me suis sentie apaisée, comme si le monde enfin marquait une pause. »

Michèle Gazier, Télérama, en septembre 2004.

On retrouvera, bien sûr, les échos de cette tornade dans le livre de Marie. Mais tamisés par le désarroi. Et refiltrés par la prose d'une romancière qui, malgré sa généalogie, ne mise ni sur l'épate, ni sur l'invective, ni sur l'obsession de plaire. Certes, elle joua dans le bac à sable des Editions Gallimard et sauta, à Meudon, sur les genoux de Céline, mais ce n'est pas par cet aspect que son livre émeut. On sera plus sensible au récit (délicatement retenu) de ce suicide raté, quand la petite Marie se jeta du pont Mirabeau, avant de découvrir, longtemps après, dans une lettre autographe de son père, ces phrases à un ami : « Hier, j'ai eu une fille. J'ai été la noyer dans la Seine pour ne plus en entendre parler. » De même, émeut cette obstination de Marie à rater son permis de conduire, ou ses ongles rongés au sang, ou sa placidité d'enfant triste, ou son goût pour l'hypnose et l'anesthésie - ces techniques qui, comme l'écriture, congédient ou convoquent la mort. Nimier père n'aurait pas aimé que Freud se mêlât ainsi de sa vie privée. Sa fille, cette « reine du silence » - papa travaille à la maison, il ne faut pas le déranger... - le fait alors en son nom. Elle est habile. Elle a dépassé le dépit d'avoir été si mal aimée. Sauvée ? Sans doute. Ce livre en est la preuve définitive

Raphaël Enthoven, Le point, en septembre 2004.

J’ai dit que ce livre m’avait rendu Marie Nimier incroyablement proche. J’aurais pu dire, aussi, inaccessible. Comme peut l’être une petite fille qui se tait et vous regarde droit dans les yeux sans sourire. Curieusement, c’est exactement l’effet que me fait ce livre, une fois refermé. Comme s’il était elle. Comme si, d’avoir réussi à y faire exister cet homme brillant et paradoxal qui eut tant de mal à être, pour elle, un père, son texte avait réussi du même coup à incarner cette petite fille muette qu’elle était en face de lui, « la Reine du Silence » comme il l’avait baptisée. Avec ce livre superbe dont on imagine qu’il marquera, dans son œuvre, non seulement une pause comme elle le suggère, mais un tournant, Marie Nimier rompt le charme où l’enfermait la parole de son père et brise le silence dont on imagine qu’il fut, des années durant, la prison transparente dont seule la littérature lui permettait de sortir.

Louise L. Lambrichs, NRF, en septembre 2004.

L'intérêt du récit - à coup sûr un des plus beaux de cet automne - se déplace sans cesse : autoportrait de Marie ? Portrait de Roger ? La force du livre tient à cette incertitude. C'est l'autoportrait d'un autre. Ce n'est pas elle que voit Marie au miroir, mais un regard vert ; des silhouettes en noir et blanc, des souvenirs qui ne sont pas forcément les siens. Elle règne sur le silence, mais parviendra-t-elle un jour à le déchirer ?

Dans l'oeuvre qu'elle est en train de développer, Marie a situé ce texte exceptionnel à sa juste place. Dans le temps et dans sa sensibilité. Elle ne veut ni recueillir les retombées et l'écho d'un succès étranger à sa prudence ni laisser passer un tour et recevoir du hasard ce que la vigilance ne lui a pas livré. Une fille cherche son père, dont elle n'a ni vrai souvenir ni un besoin irrépressible, mais elle met cette recherche au service d'une cause floue, incertaine. Tout est là, mais là, c'est où ?

François Nourissier, Le Figaro, en août 2004.

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