Marie Nimier

Pour en finir avec Blanche Neige, opus 1 : La petite annonce

Pour en finir avec Blanche Neige, opus 1 : La petite annonce

Année de sortie: 2008

Le premier épisode de "Pour en finir avec Blanche Neige" s'étitule "La petite annonce". 

La petite annonce annoncée par le titre faisait référence au travail d’un metteur en scène anglais qui cherchait, sic, un cadavre frais pour tenir le premier rôle de sa prochaine pièce.

Performance mise en scène et jouée par Karelle Prugnaud, sur un texte de Marie Nimier, musique et vidéo Tito Gonzales.
Le Havre, Halle aux poissons, dans le cadre de la Grande Veillée (Automne en Normandie), nuit organisée par Catherine Blondeau, 31 octobre 2008
Reprise pour deux représentations le 31 mars 2010, toujours avec Karelle Prugnaud, à la Criée de Cherbourg / Le Trident Scène Nationale
 

Pour en finir avec Blanche Neige

Un projet de Karelle Prugnaud et Marie Nimier

Blanche Neige est partout, chorégraphiée par Preljocaj et habillée par Gaultier, mulitipliée par Catherine Bay, disséquée par Howard Barker, mise en scène au théâtre de l’Odéon ou à l’Opéra, mise en kit sous forme de poupée Barbie, avec son petit nœud rouge assorti à ses lèvres.

Blanche Neige nous sort pas les  yeux.

Nous avons décidé d’en finir avec Blanche Neige.

Décidé de l’user, la magnifier, la dépouiller, la déguiser, la faire passer par toutes les couleurs et toutes les émotions, de la mettre dans tous ses états, et les 7 nains deviendront des géants, et le Prince une figurine en pâte à modeler sur un cheval de guimauve, car avec Blanche Neige, c’est toute la panoplie des personnages de l’enfance qui se réveille, et comme nous ne sommes pas du genre à nous priver, nous les utiliserons sans vergogne.

Nous avons une envie furieuse d’exploiter jusqu’à la corde les indéniables qualités plastiques et mentales de notre héroïne :

Qualité de contraste, cheveux noirs, lèvres rouges et mine de papier
Qualité de patience et de courage
Qualité de bonne ménagère
Qualité de curiosité et de gentillesse.

Car Blanche Neige est curieuse et gentille. Prête à se mettre en quatre pour se coucher dans un lit minuscule, prête à croquer dans la pomme à pleines dents. Prête à vous regarder, sans jugement, à vous aimer, sans discernement, que vous petit ou grand, mineur ou festif, grincheux, timide ou dormeur.

Et puis, voilà qui nous intéresse par-dessus tout, peu de princesses peuvent en dire autant : elle a fait l’expérience de la mort.

Et concrètement, ça donne quoi ?

Des performances dans des lieux non théâtraux, choisis par nos soins ou au petit bonheur des commandes – à chaque lieu est associé une thématique qui sera le point de départ d’une réflexion de Blanche Neige, sous forme de monologue, de conte, de stand up, de conversation avec des images vidéo, de happening, de chant…

La part des mots est importante, la part du récit, de la construction romanesque – voilà peut-être la spécificité du projet. Si le langage plastique utilisé est résolument contemporain, la forme verbale reste classique, les phrases se commencent et se terminent, on peut les comprendre, les suivre, elles nous prennent par la main.

Une performance, donc, est créée dans chacun des lieux investis, avec les traces fantômes des présentations précédentes (sous forme d’installations où la vidéo aura une large place, chaque performance étant filmée).

Il est possible de jouer plusieurs « opus » successivement, selon les espaces préconisés.

Chaque performance est l’occasion de collaborer avec des artistes différents : vidéastes, plasticiens, tatoueurs, tondeurs de moutons, éleveurs de cochons, motards, majorettes… Tout est à inventer.

Il est également possible de se mettre en lien avec des associations locales ce que nous avons fait avec un club de danse de salon 3ème age et la collectivité maritime du Havre lors de la première performance de la série, « La petite annonce », ou ce que nous entreprendrons avec les apprentis comédiens d’Evreux.

1er novembre 2008, Le Havre, Halle aux Poissons (un exemple)

Pour en finir avec Blanche Neige, opus 1, s’intitulait donc « La petite annonce ». Il s’agissait d’une commande du festival Automne en Normandie.

La performance devait se dérouler pendant la grande veillée, au Havre, la nuit de la Toussaint, dans une Halle aux poissons.

Il s’agissait, nous disait-on, de proposer une réflexion sur la mort.

Une réflexion bien vivante, à notre façon.

Qui mieux que Blanche Neige pouvait s’attaquer au sujet, elle qui, après avoir croqué dans la pomme empoisonnée, resta deux longues années exposée dans un cercueil de cristal ?

C’est à travers le regard de Blanche Neige, un regard un peu décalé, sans jugement hâtif, que nous avons revisité quelques œuvres d’artistes contemporains, connus ou moins connus, qui ont travaillé non sur la représentation de la mort, mais sur son exposition, son exhibition.

Pour prendre un exemple, Blanche Neige découvre à Venise la vache découpée en tranches de Damien Hirst. Ça lui rappelle la grand-mère du petit chaperon rouge, qui sort du ventre du loup pas mâché, pas abîmée, tout juste un peu décoiffée.

Ce qui donne, dans la Halle aux poissons transformé en espace surréaliste envahi par les glaces, cinq aquariums alignés dans lesquels se rejouent l’œuvre de Damien Hirst, version Blanche Neige : « Requin coupé en tranches dans aquarium de sirop de menthe ».

Un grand écran surplombait l'installation, retransmettant des images en direct (une caméra de surveillance était dissimulée dans l'un des poissons) ou des images créées pour l'occasion.  

L'artiste invité à collaborer dans ce premier opus était  Tito Gonzales vidéaste et DJ avec lequel nous avons arpenté le port du Havre, rencontré les pêcheurs, poissonniers, danseurs de salon... pour recueillir des images et des sons retravaillées puis retransmis pendant la performance.

La petite annonce annoncée par le titre faisait référence au travail d’un metteur en scène anglais qui cherchait, sic, un cadavre frais pour tenir le premier rôle de sa prochaine pièce.

Est-il encore danseur celui qui montre sa dépouille sur une scène de théâtre ? Et que penser de ces corps figés pour l’éternité qui attirent les foules, de cette idée d’exposer un mourant dans un musée ? Pourquoi les artistes éprouvent-ils ce besoin de montrer la mort pour de vrai, comme s’il s’agissait du dernier tabou à transgresser ? Peut-être parce qu’il est devenu difficile, rapporte Blanche Neige, quand on est en deuil, de se tenir, de se rapprocher, et de danser ensemble doucement.