Marie Nimier

La Caresse

La Caresse

Année de sortie: 1994

Éditeur: Gallimard

La caresse a fait l'objet d'un feuilleton radiophonique en 5 épisodes pour France culture 

Pour en savoir plus sur l'adaptation radiophonique

La caresse, 1ère page
Je suis un chien. Sujet-verbe-complément, voici une phrase sans prétention ni beauté particulière, une phrase qui se tient. Il n’y a presque rien et tout est là, flottant, ne demandant qu’à s’épanouir sous la caresse des mots, à s’ancrer, ne demandant…

Mais qui demande, et pourquoi ? Je n’aime pas parler de moi.

On s’approche de l’animal, sur la pointe des pieds, on le renifle. JE porte un masque noir, il frétille. Son corps n’est pas bien grand, environ trois poulets compressés, inscrits dans un cube. Ses membres sont très forts mais de longueur modérée et sa queue, attachée haut, dessine une boucle gracieuse posée sur sa hanche. Malgré un anus saillant, largement découvert, et des yeux globuleux, JE est d’un naturel pudique. Il ne représente pas l’auteur, car l’auteur serait plutôt de la famille des chats.

 

La caresse, 4ème de couverture

« On sortit des journaux, et encore des journaux. On me compara aux images. Voilà qu’on me décortiquait maintenant,
ma face de grenouille
mes yeux globuleux
mon anus découvert
mes extrémités qui ressemblaient plus à des nageoires qu’à des pattes
mes poils qui tombaient toute l’année malgré la levure de bière
et cette haleine, cette haleine…
Ah ! décidément, je n’avais rien pour plaire, mais j’étais tellement merveilleuse, tellement au-dessus des autres chiens… »

Rencontre avec Marie Nimier, à l'occasion de la parution de La Caresse (1994)

Votre dernier roman s'intitule La Caresse...
Marie Nimier — Le titre initial était Éloge de la caresse - l'éloge est tombé, reste la caresse. La caresse des mots. Celle échangée entre deux mains qui se frôlent...

Le personnage principal est un chien.

Marie Nimier — Une chienne, une toute petite chienne qui parle à la première personne du singulier. Je, c'est elle, Gilda des bruyères corréziennes. Elle voit le monde d'en bas, par petits bouts. Ensuite, elle recompose. En fait, Gilda voit plus avec son nez, ses oreilles, sa mémoire et surtout avec son imagination qu'avec ses yeux. Elle est pleine de bonnes intentions, mais limitée par sa nature. Chaque espèce a ses inconvénients, la sienne manque de ressort : Gilda est un carlin. Elle aimerait beaucoup penser, raisonner comme le font les hommes les plus bêtes, mais elle s'enlise, elle zigzague, se trompe dans le temps - et c'est cette impossibilité à penser droit qui donne le ton du roman. Gilda nous propose sa vision des hommes, une vision buissonnière...

L'idée de l'attachement revient souvent dans La Caresse.

Marie Nimier — Le thème du lien, de l'attachement est en effet au cœur du récit. Gilda se présente comme un signe de ponctuation entre les êtres qu'elle côtoie, arbres ou chiens, maîtres, passants. Le livre aussi est un trait d'union. Entre l'auteur et le lecteur, d'abord, puis entre les lecteurs eux-mêmes.

Alors, ne s'agirait-il pas plutôt d'une fable sur le roman ?

Marie Nimier — C'est aussi cela. Pour parler du lien, il fallait parler de la distance : ici, la distance se joue de façon inattendue entre le roman qui se construit et la petite chienne. Gilda juge le texte ou le subit, elle s'affronte à son auteur, lui donne des conseils, tombe amoureuse de ses mots...

La Caresse, une histoire d'amour ?

Marie Nimier — Une histoire de charme, plutôt. De tendresse. D'affection. Que ceux qui s'attendent à du croustillant tournent vite les pages : l'histoire d'amour ne commence qu'à la fin du livre !

© w w w.gallimard.fr, 2004